Quantcast
Channel: Le Grand Déversoir de Monsieur G. » Théorie cantonnée
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Quand la drague couine…

$
0
0

L’été commence à peine et avec peine mais tous ses signes caractéristiques sont bien là : les jupes se sont raccourcies, les chemises blanches ont rétréci au lavage et  les groupes Facebook « vive l’été avec son barbecue et ses apéros au rosé pamplemousse » fleurissent au point de pourrir votre fil d’actualité.

Le point commun de ces phénomènes saisonniers ? Tous concourent à favoriser la fin de la saison des amours pour laisser place à la saison de la copulation frénétique et sablonneuse de Miss et Mister Camping. N’oubliez jamais que le vrai tube de l’été, chaque année, c’est avant tout celui du lubrifiant.

Mais avant d’arborer une mine réjouie en septembre en repensant à vos conquêtes de l’été, il faut encore les draguer…

 La drague selon moi, avant Michou…

L’accoste-art

C’était un soir d’insomnie. Las de ne point pouvoir trouver de réconfort confinant à l’homosexualité larvée dans les bras de Morphée, j’avais pris le parti de rejoindre la catin universelle, celle dont on pardonne la stupidité car elle dit toujours oui, la télé. Entre la 72ème rediffusion de l’année des Bronzés et un jeu télévisé fascinant dans lequel une animatrice s’escrime à meubler tant bien que mal en attendant que quelqu’un daigne téléphoner pour répondre à la question « Qui est ce chanteur ? M_CHEL SARD_U », j’étais tombé, par hasard, sur l’une de ces splendides émissions de reportages estampillées « réalité » qui consistent à filmer des abrutis finis assouvir leur passion improbable. J’ai toujours aimé « Strip-tease », mais maintenant que ça n’est plus diffusé, faut bien trouver des os à ronger.

J’ai alors découvert le monde des Sargeurs. Vous ne savez pas ce que c’est ? Moi non plus. Du moins jusqu’à cette nuit là.

Le reportage était consacré à Michou (j’ai oublié son vrai prénom, et tout le monde s’en tape, donc appelons-le Michou), un jeune métis aux nattes plaquées et à l’allure ultra-lookée (c’est du moins comme cela qu’il s’est décrit, mais personnellement je ne porterais jamais la moindre de ses fringues).

Michou est un « roi de la drague » et s’enorgueillit de dizaines, voire de centaines (Michou a un léger strabisme qui me laisse à penser qu’il peut légitimement avoir compté certaines en double) de filles à son « tableau de chasse ». Pourtant, Michou n’est pas très beau et, quand il parle, on a un peu l’impression d’écouter Lââm qui vous parle de thermodynamique des gaz parfaits. Michou se vend néanmoins comme un expert de la séduction, un « Hitch » (film qu’il a dû trop regarder en redif sur la TNT les soirs où il n’y a pas les Bronzés) à la française.

Preuve de son talent ? Il donne des cours à des losers, des puceaux de 25 ans et des handicapés des relations sociales pour les aider à coucher.

Je ne sais pas si c’est parce que j’appartiens, cumulativement, aux trois catégories précitées ou si c’est parce que j’ai une tendresse particulière pour les gens qui exploitent la misère humaine à des fins mercantiles, mais en tout cas, j’ai été fasciné par cette émission au point de visiter le site internet « professionnel » de Michou dès la fin du programme.

Autant être direct, je n’ai rarement vu une pareille concentration de clichés, de préjugés, de superficialité et de connerie.  La dernière fois, je devais être entrain d’écouter les discours des candidates de Miss France…

C’est une véritable communauté que j’ai découverte. Une communauté de centaines de types animés d’un esprit de revanche à vous faire passer Olivier Falorni pour une mauviette. Ils ne sont que des pseudos et des avatars anonymes, mais vous pouvez totalement vous les figurer, qui le mec trop court sur pattes et un peu chauve, qui le gus trop gentil éconduit pour un « connard bodybuildé » par une nana infidèle, qui le grandadet un peu fruste qui croit encore que l’on mesure sa virilité à la quantité de viande attendrie. Autour de ces disciples en quête de conseils, une petite poignée de modérateurs auto-proclamés « Casanova » et à leur tête, Michou.

Michou est un mec sympa, il enseigne gratuitement les « bases » de la drague. Par contre, faut pas déconner, même s’il bouffe du minou à tours de bras, c’est visiblement pas assez nourrissant parce que ses cours « avancés » sont payants. Et apparemment, devenir un gros boulet qui lance des pickup lines pourries à la première touriste venue dans la rue est un rêve absolu pour le commun des mortels puisque ça se monnaie (très) cher.

Ma dévotion pour vous est certes impressionnante, mais elle ne va pas encore jusqu’à rétribuer volontairement un gourou raté. Aussi, mes lignes conclusives seront basées sur les éléments mis gratuitement à ma disposition.

Qu’ai-je donc retenu de cette visite chez les rois de la drague ?

Tout d’abord que ce terme est à bannir, trop connoté péjorativement. On ne drague pas, on « sarge » (oui, ce mot n’existe pas, mais le sargeur parle en code), c’est-à-dire qu’on sort exclusivement pour revenir avec quelque chose sous le coude. Adieu les flâneries et les soirées entre potes.

Ensuite, la sarge est une chose sérieuse. Très sérieuse. Au point qu’il faut un bac+20 en acronymes (ou bosser dans l’administration, tout simplement) pour comprendre le processus à suivre.  Pour faire simple, les femmes sont niées dans leur existence : elles sont réduites à un ensemble de paramètres objectifs. Ca commence bien entendu par une évaluation physique sur une échelle de 1 à 10. Pas question pour un garçon côté 3 d’aller sarger de la 8-9 dès le premier jour. Ca vous effraie ? Ce n’est que le début.

Au delà du physique, la nana-cible est catégorisée : la célibataire endurcie, la mariée infidèle, la bonne copine notée 2 qu’il faut absolument tenir éloignée si l’on veut sauter sa copine bonasse notée 9, la fille facile, etc… Comment on détermine cela ? Peu ou prou au faciès et à l’allure générale. Disons le clairement, c’est la seule chose qui ne m’a pas fait bondir de ma chaise, l’honnêteté intellectuelle me poussant à reconnaître que tout le monde se fait une première impression de quelqu’un en se basant sur le physique et le jugement à l’emporte-pièce.

La différence, c’est que tout le monde ne s’arrête pas à cela. J’ose croire que certaines personnes peuvent même changer d’avis en discutant en bonne intelligence.

Ce n’est clairement pas ce que préconise Michou. Lui, il a une démarche très précise, une succession de mots-clefs à placer dans la conversation. La nana n’a ni besoin d’être intelligente, ni même intéressante. Elle n’est là que pour répondre ce que Michou prévoit qu’elle répondra, se laisser aller dans les pièges qu’il lui tendra et lui renvoyer l’image qu’il souhaite avoir de lui. C’est Narcisse qui se mire dans une cruche.

Bien sur, Michou ne prétend pas qu’il peut marier Sinok à Megan Fox, sauf gain impromptu à l’Euromillions, mais il donne néanmoins des clefs pour réduire l’écart entre une cotation faible et un top modèle. Ces clefs sont impressionnantes de créativité et consistent à sentir bon, s’habiller avec (un) goût (douteux) et si possible des fringues qui coûtent un SMIC, avoir des dents blanches, cacher ses défauts et parler suffisamment pour obtenir ce que l’on veut, mais suffisamment peu pour laisser planer le doute quant à sa stupidité patente. Bref, pas de quoi faire blêmir Monsieur de la Palisse.

Je vous aurais bien donné le lien de ce site-forum fascinant, mais cet épisode commence à dater et je n’ai plus l’url en tête. Ceci dit, Google devrait vous aider à rejoindre à dos de souris ces désolantes plaines de la désolation intellectuelle.

Sachez toutefois, Mesdames, que j’ai été assez étonné de voir le nombre de gens qui opèrent selon ces préceptes ineptes. Je vous conseille de vous renseigner, histoire de pouvoir démasquer les membres de cette secte la prochaine fois que vous vous ferez accoster au comptoir de votre bar préféré.

La drague selon Michou…

Faire plait

« Tu ne serais pas entrain de me draguer ? »

Cette phrase, non seulement je la redoute, mais elle est synonyme d’échec. Ceux qui sont attentifs aux catégories dans lesquelles je range mes articles auront remarqué que celui-ci se veut une théorie, que je me dois désormais d’exposer.

Elle peut se résumer en une assertion simple : la drague est contre-productive.

Puisque vous n’êtes pas que des célibataires côtés 2 à 6 et que vous avez un cerveau en état de fonctionnement, vous devez pressentir ce qui sous-tendu derrière. La drague est une fiction, plus ou moins consentie par les deux (ou plus) protagonistes.

En principe, la drague consiste à mettre en avant ses qualités et à taire ses défauts. Jusque là, tout irait bien, vu que c’est un petit jeu auquel nous nous livrons dès que nous interagissons avec autrui. Autrement dit, on s’y prête inconsciemment dès lors que l’on cesse de mijoter dans sa crasse seul chez soi. Mais la drague est perverse parce qu’elle induit un autre élément : elle suppose que l’on mette en avant les qualités que l’on sait appréciées par l’être que l’on désire.

Imaginons un type lambda, ni maigre ni gros, ni moche ni laid, ni intelligent ni con. Il aime moyennement faire du sport, joue moyennement de la guitare, cuisine moyennement bien. Il est moyennement moyen quoi. Un beau jour, il rencontre une nana qui lui plait. Elle aime les mecs musclés, guitaristes et bon cuisinier. Là où la common decency pousserait M. Lambda à mettre en avant ses atouts moyens, la drague va le pousser à multiplier les pompes et les abdos, à se limer les ongles sur sa gratte et à prendre des cours privés avec Joël Robuchon.

Le mieux devient l’ennemi du bien. M. Lambda devient ce qu’il n’est pas. Pour les uns, il s’agira de quelque chose de positif, M. Lambda tentant de « s’améliorer » non pas à cause mais grâce à sa soupirée. Pour les autres, tout sera réductible, en définitive, à de l’hypocrisie qui tait son nom. En agissant ainsi, M. Lambda n’aime pas plus la muscu, la musique et ou le moulin à muscade, il prétend juste le faire pour se faire sa prétendante.

J’ai la prétention de croire que je ne « drague » jamais. Pas question pour autant de tomber dans l’intégrisme de la vérité, il m’arrive de taire certains défauts et de me retenir de distribuer quelques bâches bien senties, mais c’est relativement rare et je tâche de demeurer fidèle… à moi même. Mon crush aime les blonds ? Tant pis pour toi, je maîtrise mal l’eau oxygénée. Elle veut un skater rebelle, tu auras le mec capable de tomber assis.

Comme dirait  un chanteur à boucle d’oreille : « je suis comme je suis, malheur à qui me prend ». Mais au moins, il n’y a ni publicité mensongère, ni tromperie sur la marchandise.

La drague selon moi, après Michou…

La solitude innée

Alors c’est sur, niveau quantitatif, je suis très loin des performances de Michou et de ses disciples. Mais au moins, je peux me targuer de n’avoir jamais ramené une pintade suffisamment naïve pour croire que j’étais un footballeur professionnel en vacances, un agent secret incognito ou le bassiste remplaçant des Rolling Stones.

Non, j’ai fait le choix du qualitatif. Ou alors, je subis l’absence de concordance avec la majorité. Question de point de vue.

Il faut dire que je ne suis pas aidé : caractère merdique, propos outranciers, sarcasme irréfrénable et bien sur le hobby le moins bankable de tous le hobbies. J’écris, un blog, en 2012, et je n’ai même pas le look du poète maudit qui parait si mystérieux aux yeux des petites collégiennes (qui sont un peu jeunes, (même) pour moi par ailleurs).

Alors forcément, ça diminue les chances de succès. Pourtant je saurais faire autrement, j’ai déjà essayé pour voir. Seulement, ça demande bien trop d’efforts pour des résultats pas satisfaisants. Aborder une inconnue, la complimenter, trouver un point de convergence dans l’océan de contrariétés qui nous sépare, appuyer dessus pour susciter l’intérêt, tout ça. Why not. Si la dite inconnue n’était pas elle-même entrain de jouer le jeu, avec son maquillage propret, ses chaussures neuves, sa robe fort seyante mais dont on doute qu’elle la porte au quotidien et les quelques milligrammes d’alcool qui la rendent enthousiaste alors qu’elle est d’habitude complètement neurasthénique. Au final, même si la démarche se montre concluante, on se réveille quelques heures/jours/semaines/mois plus tard avec une parfaite inconnue en jogging-débardeur et l’on se surprend soi même encore en caleçon à 14 heures, pas rasé, pas douché malgré une relation barbante et digne d’une douche froide.

Cela ne m’empêche pas de penser que les choses seraient moins compliquées si nous jouions cartes sur table depuis le début. Mais pour ce faire, il faudrait encore que les gens acceptent la solitude.

C’est l’un des maux de cette époque. La liberté qui a été conquise de pouvoir se déterminer par soi-même en matière de relations amoureuses, mettant un terme à des siècles de mariages arrangés, va de pair avec un sentiment de honte qui habite celles et ceux qui ne trouvent pas chaussure à leur pied.

Etre célibataire, quand on collectionne les conquêtes, ça va. Vous suscitez même parfois l’envie des plus casés. Mais le célibat-jachère est vécu comme la dernière des humiliations. Il n’y a qu’à voir le succès de tous les sites de rencontres et la capacité de ses adhérents à accepter tout et n’importe quoi pour ne pas rester seul, quitte à se renier, ne serait-ce que partiellement.

Mais la solitude n’est pas une tare, c’est un état. D’aucuns vous diront que l’on est en définitive toujours seul, même en couple ou en famille, je n’irais pas nécessairement jusque là.

Je repense à Michou, à ses tresses plaquées et ses vêtements de marque. Je repense à sa faculté de « lever » une nana avec des tirades et ses ficelles d’artiste de la séduction. Je repense au nombre de filles aux côtés desquelles il a du se réveiller sans même se rappeler de leur prénom. Je repense à sa manière de se vanter de n’être « plus jamais seul » alors qu’il en sait plus sur sa main et son paquet de mouchoirs que sur sa partenaire d’un soir.

Tromper l’ennui avec quelqu’un, c’est déjà se tromper…

 

Si tu aimes cet article, partage le !


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images



Latest Images